Tout savoir sur les freins restrictifs buccaux

Tout savoir sur les freins restrictifs buccaux

1 - Que sont les freins restrictifs buccaux ?

Un frein restrictif buccal est une anomalie congénitale présente dès la fin du premier trimestre de la grossesse. Les freins restrictifs buccaux entraînent, en raison des tensions qu’ils occasionnent, des restrictions de mouvements au niveau de la cavité orale. Les freins buccaux sont des brides à morphologie complexe (Mills et al., 2019) qui peuvent limiter les mouvements de langue et de la lèvre supérieure s’ils sont courts voire restrictifs.

Chez le bébé, un trouble de succion peut être dû à une ankyloglossie (frein de langue trop court, trop serré et/ou trop épais, rendant les mouvements de langue peu amples) ou frein restrictif labial mais ce n’est pas la seule cause. Tout comme une ankyloglossie ou restriction labiale ne donne pas obligatoirement de trouble de la succion. Elle peut occasionner d’autres troubles plus tard (trouble alimentaire dont difficulté lors de la diversification, difficulté avec les morceaux, trouble de la parole, trouble oro-myo-fonctionnel) mais pas nécessairement.

On retiendra qu’un frein buccal n’est à considérer/examiner qu’en cas de trouble avéré et persistant autrement dit si le frein n’est pas gênant, aucune évaluation ni prise en soin spécifique ne se révèle nécessaire. Tout trouble de la succion doit en revanche donner lieu à une consultation spécifique avec un professionnel formé aux troubles de la succion. Si le trouble ne cède pas à l’accompagnement de la succion et éventuellement à sa rééducation, et que les freins buccaux semblent être symptomatiques, une orientation vers un professionnel formé aux freins restrictifs buccaux est indispensable.

Nous ne parlerons pas ici des freins de joue ni de lèvre inférieure qui ne sont à ce jour pas assez documentés au niveau de la littérature scientifique.

Illustrations : dans l’ordre, frein de lèvre supérieure, frein de langue, deux cas d’ankyloglossie empêchant la langue de s’élever au palais

2 - Sont-ils fréquents ?

Les restrictions buccales chez le nourrisson ne sont pas nouvelles, on retrouve des témoignages des premières frénotomies dès l’Antiquité[1], on en retrouve aussi vers le XVI-XVII ème siècle (Louis XIII en aurait notamment bénéficié). Cependant au fil des années, avec les connaissances scientifiques nouvelles, l’intérêt grandissant pour les troubles alimentaires pédiatriques, les naissances plus physiologiques et l’allaitement maternel (rappelons que l’examen de Consultante en Lactation IBCLC est organisé pour la première fois en France et en français en 1992) ; leur prise en compte est devenue centrale quand on travaille avec des bébés.

Actuellement, on estime qu’on les retrouve chez 8% des enfants de moins d’un an (Hill et al., 2021).

3 - La chirurgie est-elle inévitable ?

La prise en soin des tensions buccales en général, et plus particulièrement, ce qui nous intéresse ici, chez le bébé, n’est pas forcément chirurgicale. Ce traitement chirurgical souvent mis en avant dans les médias et sur les réseaux sociaux n’est pas proposé d’emblée. En effet, dès lors que le trouble de succion semble être dû à des tensions buccales, une prise en soin est proposée. Ce n’est qu’en cas d’échec de la rééducation qu’une intervention chirurgicale devrait être envisagée (Caloway et al. 2019, Ferrés-Amat et al., 2017).

Le bilan des possibles restrictions buccales repose sur une anamnèse détaillée et un examen clinique rigoureux basé sur des échelles standardisées adaptées à l’âge du patient (Costa-Romero et al, 2021) par un ou plusieurs professionnels de santé formés et expérimentés.

La thérapie oro-myo-fonctionnelle peut suffire à restaurer une fonction et une mobilité linguales correctes comme nous allons le voir. En cas de décision chirurgicale, elle constituera une excellente préparation pré-frénotomie.

4 - Quelles prises en soin sont possibles ?

La prise en soin des tensions buccales chez le bébé est plurielle : le soutien à l’allaitement maternel ou à l’alimentation lactée en général, le travail des tensions corporelles et la thérapie oro-myo-fonctionnelle (Zaghi et al., 2019).

Plusieurs professionnels vont travailler ensemble pour l’évaluation et la prise en soin des bébés avec problématique de succion : le consultant en lactation / conseiller en allaitement pour l’allaitement, l’orthophoniste ou kinésithérapeute pour la thérapie oro-myo-fonctionnelle, les thérapeutes manuels (ostéopathes, chiropracteurs), la sage-femme ou maïeuticien assurant les visites médicales de la mère et de l’enfant à la sortie de maternité et le pédiatre ou médecin généraliste qui assure le suivi périodique du bébé. Ces trois derniers professionnels de santé vont avoir un rôle fondamental pour adresser les jeunes patients aux autres professionnels de santé car ils sont souvent les premiers à évaluer le nouveau-né. Profitons-en pour rappeler ici que les rééducateurs  (orthophonistes et kinés) ne peuvent être consultés qu’avec une prescription médicale pour bilan et rééducation si nécessaire.

5 - Comment en vient-on à évoquer une prise en soin chirurgicale ?

La chirurgie du ou des freins buccaux est appelée frénotomie (section du frein) ou frénectomie (ablation du frein).Elle repose sur un avis pluridisciplinaire des spécialistes qui suivent le petit patient.

Concernant les nouveaux-nés avec freins restrictifs linguaux très antérieurs entravant la mise au sein ou la prise du biberon et donc la survie du bébé, la décision de frénotomie doit être prise rapidement et est faisable en maternité. Une frénotomie linguale « à minima » peut être faite au ciseau ou au laser et permet de donner un peu plus d’amplitude à la langue. Cette intervention se distingue de la frénotomie complète (section totale de la muqueuse et du fascia du frein) qui permet d’améliorer l’amplitude postérieure linguale mais aussi la fonction linguale dans sa globalité.

Concernant les bébés sortis de maternité avec des troubles de succion, il est important d’en parler rapidement avec un professionnel de premier recours (sage-femme, pédiatre ou médecin généraliste) qui est présent auprès de la famille dès les premiers jours de vie. Un consultant en lactation devrait pouvoir être consulté rapidement si la problématique concerne l’allaitement. Il apparaît donc important que tous ces professionnels soient fortement sensibilisés aux troubles de la succion et aux freins restrictifs buccaux afin qu’ils puissent orienter sans attendre les petits patients et leur famille vers les rééducateurs et thérapeutes manuels. Ceux-ci vont pouvoir, sous réserve d’être suffisamment formés aux troubles de la succion et aux freins restrictifs buccaux, réaliser une évaluation et proposer un traitement adapté.  Les consultants en lactation/conseillers en allaitement peuvent proposer également une évaluation des freins et un soutien à l’allaitement et diriger ensuite la famille vers rééducateurs et thérapeutes manuels. Selon l’évolution de la prise en soin oro-myo-fonctionnelle (travail de la succion, compétence labiale, langue au palais…) et en thérapie manuelle, les professionnels peuvent orienter le patient et sa famille auprès d’un chirurgien formé en exérèse de freins restrictifs buccaux (dentistes, chirurgiens maxillo-faciaux, ORL).

6 - Comment se déroule la chirurgie ? Comment se prépare-t-elle ?

En dehors du cas des maternités, la chirurgie du frein se prépare.

Les professionnels cités précédemment peuvent proposer des prises en soin ciblées pré et post-frénotomie (travail oro-facial et/ou travail postural selon le cas). Ces mesures sont décrites comme efficaces pour prévenir un rattachement en post-opératoire (Costa-Romero et al, 2021). Le travail pré-opératoire permet de familiariser le bébé avec les exercices et d’effectuer un travail sensoriel en cas de troubles à ce niveau.

Lors de la chirurgie le patient est anesthésié localement (gel anesthésiant pour les bébés, injection en complément pour les plus grands). La prise alimentaire lactée doit pouvoir se faire de suite après la chirurgie. Le suivi post-frénotomie doit être réalisé le temps de la cicatrisation complète de la plaie.

7 - Comment trouver un professionnel de santé formé au diagnostic et à la prise en soin des freins restrictifs buccaux ou tensions buccales et corporelles ?

Au-delà de la présence du professionnel sur un annuaire (attestant que le professionnel a participé à la formation et/ou a validé des cas cliniques), il est important de consulter un professionnel aguerri dans cette problématique. N’hésitez pas à demander autour de vous des recommandations.

8 - Conclusion

La prise en soin d’une symptomatologie faisant évoquer un ou des freins restrictifs buccaux est pluridisciplinaire.

Avant de confirmer l’hypothèse de restrictions buccales comme responsables de troubles de succion, on devrait pouvoir écarter d’éventuels troubles liés à une difficulté dans la conduite de l’allaitement ou de la prise alimentaire en général, de manifestations digestives ou allergiques, d’autres causes médicales, le tout dans le respect du jeune patient et de sa famille.

Références

Caloway, C., Hersh, C.J., Baars, R., Sally, S., Diercks, G., Hartnick, C.J. (2019) Association of Feeding Evaluation With Frenotomy Rates in Infants With Breastfeeding Difficulties. JAMA Otolaryngology Head & Neck Surgery, 145(9):817–822.

Costa-Romero, M., Espínola-Docio, B., Paricio-Talayero, J.M., Díaz-Gómez, N.M. (2021). Ankyloglossia in breastfeeding infants. An update. Archivos Argentinos de Pediatria, 119(6):e600-e609.

Ferrés-Amat, E., Pastor-Vera, T., Rodriguez-Alessi, P., Ferrés-Amat, E., Mareque-Bueno, J., Ferrés-Padró, E. (2017). The prevalence of ankyloglossia in 302 newborns with breastfeeding problems and sucking difficulties in Barcelona: a descriptive study. European Journal Paediatric Dentistry, 18(4):319-325.

Hill, R.R., Lee, C.S., Pados, B.F. (2021). The prevalence of ankyloglossia in children aged <1 year: a systematic review and meta-analysis. Pediatric Research, 90(2):259-266.

Mills, N., Keough, N., Geddes, D.T., Pransky, S.M. and Mirjalili, S.A. (2019). Defining the anatomy of the neonatal lingual frenulum. Clinical Anatomy, 32:824-835.

Obladen M. (2010). Much ado about nothing: two millenia of controversy on tongue-tie. Neonatology, 97(2):83-89.

Saccomanno, S., Di Tullio, A., D’Alatri, L., Grippaudo, C. (2019). Proposal for a myofunctional therapy protocol in case of altered lingual frenulum. A pilot study. European Journal Paediatric Dentistry, 20(1):67-72.

Zaghi, S., Valcu-Pinkerton, S., Jabara, M., Norouz-Knutsen, L., Govardhan, C., Moeller, J., Sinkus, V., Thorsen, R.S., Downing, V., Camacho, M., Yoon, A., Hang, W.M., Hockel, B., Guilleminault, C., Liu, S.Y. (2019). Lingual frenuloplasty with myofunctional therapy: Exploring safety and efficacy in 348 cases. Laryngoscope Investigative Otolaryngology, 26;4(5):489-496.

Pour aller plus loin :

Communiqué Société Française de Pédiatrie

https://www.sfpediatrie.com/sites/www.sfpediatrie.com/files/medias/documents/cp_sfp_25janv2022.pdf

Analyse de la littérature sur les freins buccaux

https://linktr.ee/dr.davidkerbellec

Remerciements :

David Kerbellec (chirurgien-dentiste pédiatrique), Anne-Solène Amblard (orthophoniste), Marie Duquesne (médecin généraliste) pour leur relecture

Article écrit en avril 2022 par Audrey Acher

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