En gouttes ou petits comprimés, beaucoup d’entre nous se souviennent d’avoir avalé leur fluor quotidien. Sa prescription par les médecins ou pédiatres était quasi systématique pour lutter contre la carie dentaire, le lobbying industriel ayant ancré cette pratique dans les mœurs. Cette habitude a eu la vie dure jusqu’en 2008, un consensus de bonnes pratiques autour du fluor a vu le jour, après qu’un collège de professionnels ait analysé les dernières données scientifiques sur le sujet.
Le Fluor est un oligo-élément, présent en quantité variable dans certaines eaux minérales et de consommation courante, à l’état de trace dans certains aliments, et dans la plupart des dentifrices. Aujourd’hui sa prescription n’est plus d’actualité depuis quelques années. Néanmoins, certains enfants sont confrontés à un plus grand risque de caries et nécessitent toujours cette supplémentation par voie orale (sous la forme de gouttes, pastilles ou comprimés en fonction de leur âge). (1)
Le risque de carie est considéré élevé lorsque :
A ces facteurs de risques individuels vont s’ajouter des facteurs des personnels et sociaux aggravant le risque carieux tels que :
Si votre enfant est dans l’une de ces situations, n’hésitez pas à en discuter avec votre médecin habituel ou votre chirurgien dentiste qui évaluera les apports en fluor quotidien et adaptera la prise en charge de façon individuelle.
Pour ce bilan, il est intéressant de se munir de plusieurs informations comme la concentration en fluor de son eau de boisson, de son sel et du dentifrice de son enfant. L’eau du robinet n’est pas volontairement fluorée en France, mais il existe des départements où la teneur en fluor est plus haute que d’autres à cause de la composition du sol (information disponible à la mairie). Les eaux en bouteille sont plus au moins fluorées, de 0,1 à 9 mg/l, les gazeuses étant les plus concentrées. Pour la préparation des biberons des nourrissons, il est conseillé d’utiliser une eau fluorée à moins de 0,5 mg/l s’il n’y a pas de supplémentation par comprimés ou gouttes, et à moins de 0,3 mg/l s’il y a supplémentation.
La supplémentation, si elle est indiquée, peut alors commencer dès l’âge de 6 mois, moment de l’apparition des premières dents.
Un excès de fluor, comme tout autre excès médicamenteux ou alimentaire, est nuisible. Mais pour cela il faut d’abord différencier les différentes voies d’administration du fluor, à savoir : la voie systémique (voie générale: comprimés, gouttes), et la voie topique (voie locale: dentifrices, bains de bouche).
Le corps humain n’est pas en capacité de produire du fluor, il est donc nécessaire qu’il lui soit administré. Mais on sait de nos jours que l’effet topique du fluor est chez la majorité des enfants suffisante. (2)
Le surdosage quant à lui peut provoquer une fluorose. Elle se manifeste alors par l’apparition de taches disgracieuses blanches, jaunes ou marrons sur les dents définitives. En effet, lorsqu’un enfant ingère du fluor (apport par voie systémique), cet oligo-élément est capable de s’incorporer à l’émail de ses dents en formation, enfouies sous ses gencives, le rendant plus résistant aux caries. À l’inverse, s’il en absorbe trop, la formation de l’émail se trouve altérée: les dents sortent alors avec un émail poreux. Des lignes de déminéralisation blanchâtres qui peuvent se colorer secondairement en brun apparaissent. Et le paradoxe veut que pour renforcer cet émail altéré à cause d’un surplus de fluor pendant sa formation, on applique de manière topique, du fluor, pour le renforcer ! Selon l’OMS, la dose à ne pas dépasser pour éviter tout risque de fluorose est de 0,05 mg par jour et par kilo de poids corporel, tous apports confondus, sans dépasser 1 mg/j.
Il s’agit donc de bien calculer le total des apports fluorés, notamment par l’alimentation de l’enfant et de respecter des conseils d’administration pour ne pas dépasser la dose bénéfique.
La carie dentaire étant en recrudescence de 30 % ces dernières années, et le fluor topique reconnu comme plus efficace que sa version systémique (et sans effets indésirables comme la fluorose par exemple…), il est préférable d’arrêter cette supplémentation systématique par voie générale mais de renforcer les apports par voie locale. L’année 2022, devrait être l’année de l’homogénéisation des recommandations françaises à ce sujet. En effet, l’ANSM (Agence Nationale pour la Sécurité du Médicament et des produits de santé) ou encore l’HAS (Haute Autorité de Santé), sont toujours à des versions anciennes (2010) et dépassées, par contre l’UFSBD (Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire), en suivant les recommandations de l’EAPD (Académie Européenne de Dentisterie Pédiatrique) a mis à jour ces propres recommandations en 2020.
Déposé régulièrement sur les dents, le fluor est capable de s’intégrer superficiellement à l’émail et d’augmenter ainsi sa résistance aux attaques acides des bactéries responsables des caries. Également antibactérien, il perturbe le mécanisme d’action de ces micro-organismes. De plus, le fluor par voie locale est davantage efficace sur les dents qui viennent de sortir car leur émail non mature est très malléable. Dans les deux années qui suivent, la dent est plus sujette aux caries mais aussi plus susceptible d’intégrer le fluor.
Pour les enfants à faible risque carieux, l’apport régulier de fluor grâce à un brossage régulier (2 à 3 fois par jour) avec un dentifrice, dont la dose de fluor est adaptée à l’âge, est le meilleur geste à effectuer. Ceci, à condition de bien le recracher. À ce sujet, l’ingestion de dentifrice chez un enfant de 2-3 ans est évaluée à 60%, à 4-5 ans cela diminue à 40%, à 6-7 ans cela tombe à 20 % et à partir de 10 ans le problème ne se pose plus. C’est pour contrebalancer ce phénomène normal d’ingestion de dentifrice qu’il est recommandé d’adapter la quantité de dentifrice à l’âge de l’enfant (cf article brossage). A noter que « ppm » représente la valeur de concentration du fluor dans le dentifrice. Elle peut aller de 1000 à 5000 ppm, et sera à adapter en fonction de l’âge de l’enfant, et de la détermination de son risque carieux.
Avec la mise à jour de ces recommandations au niveau de toutes les instances de santé en France, il est à espérer que plus de fabricants vont également suivre, et adapter en conséquence leurs gammes de dentifrices. C’est déjà le cas pour certains, mais c’est loin d’être une généralité, surtout que certains surfent sur la mode du SANS machin, SANS truc… Que l’on baisse le dioxyde de titane et que l’on cherche des produits les plus « cleans » possible c’est une bonne chose mais vous l’aurez compris, peu importe la marque du dentifrice tant qu’il est « AVEC » du fluor ! (Et bio ne veut pas dire sans fluor…)
Les 20 à 30 % des enfants à indice carieux élevé concentrent 80 % des caries. C’est un enjeu majeur de santé publique. De plus, dans un contexte où 40% des français ne vont pas chez le dentiste, et où les inégalités de santé se creusent, le fluor est un élément indispensable au maintien en santé de la population. Ne pas utiliser de dentifrice fluoré constitue « une perte chance » pour de nombreuses instances scientifiques. Il est aussi à rappeler qu’une personne « ne peut pas se considérer en bonne santé générale si elle n’a pas une bonne santé bucco-dentaire ».
Les diverses recherches scientifiques et études réalisées ont montré que le taux de fluorures recommandé pour la prévention de la carie dentaire n’avait aucun effet indésirable sur la santé humaine en général. Toute la « mauvaise presse » du fluor vient de la méconnaissance de ses différentes voies d’administration, de la quantité de fluor et de dentifrice à adapter en fonction de l’âge. Cependant, la valeur thérapeutique de l’action du fluor dans le traitement des lésions carieuses débutantes a été cliniquement prouvée à bien des reprises. Cette caractéristique du fluor, toujours appliqué de manière topique, confirme sa place capitale dans la lutte contre la carie dentaire. (3)
Pour conclure, l’efficacité préventive, le caractère économique et rentable, l’innocuité des produits fluorés et leur rôle dans la diminution de la prévalence et de l’apparition des caries sont largement avérés. Le fluor, bien prescrit et administré, surtout par voie topique dans les dentifrices, est le meilleur ami d’une dentition saine.
(1) Tubert-Jeannin S, Auclair C, Amsallem E, Tramini P, Gerbaud L, Ruffieux C, Schulte AG, Koch MJ, Rège-Walther M, Ismail A. Fluoride supplements (tablets, drops, lozenges or chewing gums) for preventing dental caries in children. Cochrane Database of Systematic Reviews 2011 (2) Stratégies de prévention de la carie dentaire, HAS, 2010 (3) XXème Colloque national de santé publique de l’UFSBD: « Fluor et prévention dentaire : Rétablissons les faits! » 4 Novembre 2019
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