Jouer avec la nourriture c’est aussi se développer

Jouer avec la nourriture c’est aussi se développer

« On ne joue pas avec la nourriture ! » fait traditionnellement partie des grands principes éducatifs. La table en France est considérée par la plupart des parents comme un endroit où doivent être transmis des règles. Pourtant l’alimentation et le jeu sont indissociables. Ils sont des territoires d’exploration et d’affirmation de soi où l’enfant pourra découvrir, apprendre, exprimer des choix…

Revenons sur le terme de « jouer ». Par jouer nous entendons « permettre à l’enfant d’explorer avec les mains la nourriture de façon autonome et sans contrainte pendant ou en dehors du repas et d’utiliser la nourriture de façon ludique et créative ».

Au moment de la diversification, il n’est pas rare de voir le parent armé d’une cuillère dans une main et d’un paquet de lingettes ou d’un gant de toilette dans l’autre. L’objectif étant d’éviter de repeindre la cuisine et la garde-robe de son enfant.

Mais si cette précaution privait l’enfant d’une multitude de découvertes sensorielles, essentielles à son développement ?

Dès la naissance et même in utéro, l’enfant « goûte le monde » en mettant les choses à la bouche. La multitude des récepteurs sensoriels présents dans la bouche et sur les mains permettent à l’enfant de découvrir les objets qui l’entourent pour se former une connaissance de son environnement. Il ne suffit pas de regarder les objets pour les identifier et c’est d’autant plus valable pour les substances non solides comme les aliments. L’enfant doit les explorer avec tous ses sens.

Permettre à l’enfant de toucher la nourriture avec ses doigts c’est lui permettre de se constituer un répertoire de texture qu’il pourra associer à ce qu’il voit, à ce qu’il sent, à ce qu’il entend… Cela s’appelle la perception multimodale.

Toucher avec ses doigts c’est aussi informer la bouche de ce qu’elle va recevoir et cela évite parfois des surprises qui pourraient donner des hauts le cœur.

«Ce que ta main n’a pas touché, ta bouche ne peut l’apprivoiser » nous dit Véronique Leblanc, psychologue, spécialisée dans les troubles alimentaires pédiatriques.

Le moment du repas est aussi l’occasion pour l’enfant d’exercer sa motricité fine et sa coordination. Attraper une miette entre son pouce et son index, effilocher son morceau de poulet, ramasser un morceau gluant ou porter un biscuit à sa bouche sous le contrôle de l’œil, sont autant d’expérimentations pour développer sa dextérité manuelle.

Le développement de l’imaginaire se fait lui aussi en mangeant… Transformer ses doigts en grue pour pincer sa nourriture, créer un volcan avec sa purée pour y verser de la sauce ou rêver que sa cuillère est un avion… sont autant de scénarios de jeux qui nourrissent l’imaginaire et font du repas un moment éducatif.

Mais alors comment s’organiser ?

1 - Où ?

La découverte alimentaire peut se faire pendant les repas mais pas que…

Lors des repas, l’enfant a besoin d’appréhender la nourriture avec les mains. Elles permettent d’informer la bouche sur ce qu’elle va recevoir pour limiter les surprises.

L’exploration tactile peut aussi se faire en dehors des moments de repas. Pourquoi ne pas profiter d’un temps de préparation culinaire pour faire découvrir des textures, des odeurs, des couleurs à votre enfant ? Confortablement installé dans une chaise, avec appuis plantaires, à hauteur de table ou debout sur une tour d’exploration, votre enfant est invité à remuer, couper, écraser, toucher, tout en verbalisant les sensations perçues (« ça colle », « c’est froid », « c’est dur », « c’est mou »…). Le panel alimentaire offre la plus grande variété de texture.

La manipulation et les explorations se font également pendant les activités créatives et les aliments peuvent y trouver leur place. Pourquoi ne pas peindre avec de la compote, du miel ou du chocolat ?

2 - Quand ?

Quand vous et votre enfant êtes disponibles.

Vous pouvez adapter vos propositions en fonction de votre disponibilité. Vous accorderez peut-être plus de temps à l’exploration des aliments lors d’un repas du week-end plutôt qu’un soir dans la semaine après une journée de travail et de crèche.

Soyez également vigilant à la faim de votre enfant. Quand l’estomac est tiraillé, l’enfant est parfois moins disponible pour jouer. Les jeux d’exploration trouvent souvent leur place à la fin du repas, quand papa et maman terminent leur assiette par exemple.

Et si voir votre enfant explorer la nourriture est intolérable pour vous, pourquoi ne pas proposer à la nourrice ou aux grands parents d’initier ces temps de jeu avec votre enfant ?

3 - Comment ?

Quelques précautions sont de mises pour ne pas s’infliger deux heures de ménage.

Votre enfant peut être installé de différentes manières : assis dans une chaise haute, dans son transat ou même par terre… mais il doit être confortable et l’espace doit être délimité. L’idée est de ne pas se retrouver avec un morceau de brocoli dans le canapé ou une coquillette dans la plante verte.

Vous pouvez installer une nappe sous la chaise de votre enfant ou investir dans un bavoir intégral c’est à dire qui recouvre l’ensemble de la tablette de la chaise haute. Si vous disposez d’un balcon ou d’une terrasse, n’hésitez pas à vous installer dans un endroit plus facile à nettoyer.

Hors des temps de repas, un bac à sable vide ou une petite piscine pourront devenir des espaces de découverte sensorielle facile à nettoyer. Proposez à votre enfant des aliments secs (pâtes/riz/semoule crus), fluides (farine/sucre glace/chocolat en poudre) puis collants (pâte/riz/semoule cuites) avec des contenants pour les transvaser.

Prévoyez du temps après l’activité pour ranger et nettoyer en toute liberté et ne vous privez pas de la présence d’une autre personne pour vous aider dans cette tâche.

4 - Quelles limites ?

Il ne faut pas pour autant négliger les manières de table et chaque parent pourra établir le cadre du repas en fonction de ses propres valeurs éducatives et de ses propres limites. Certains parents pourront tolérer que leur enfant « patasse » tout le long du repas et pour d’autres cinq minutes suffiront pour ressentir de l’inconfort. Le parent doit alors savoir s’écouter et adapter ses propositions en fonction de son propre ressenti, sans se forcer. L’enfant doit sentir l’approbation de son parent et percevoir le cadre dans lequel il peut évoluer sereinement. Informez votre enfant de ce qui est tolérable ou non et sachez mettre un terme à l’activité quand bon vous semble. 

Vous l’aurez compris, l’alimentation est un apprentissage qui débute par l’exploration et qui ne peut pas être dissocié du jeu.

Alors régalez-vous de ces moments de jeu et de découverte avec vos enfants dans un cadre bienveillant à l’écoute des besoins de chacun. 

Article écrit en mars 2022 par Clémence Vaillier

Tous droits réservés 2022 Diversibaby copyright

Télécharger l'application Diversibaby

Installer
×